3 questions à… Thibault Moreau
Neurologue, président du conseil scientifique de la fondation ARSEP
1. Actuellement, quels sont les principaux axes de recherche dans la SEP ?
La recherche actuelle s’intéresse à la physiopathologie de la SEP, c’est-à-dire aux perturbations physiologiques à l’origine de la maladie. Ainsi, notre objectif est de mieux comprendre les mécanismes à l’origine des lésions retrouvées dans la SEP, mais également ceux qui limitent les lésions voire qui favorisent leur réparation.
Dans la SEP, le système immunitaire s’en prend à la myéline, la gaine de protection des neurones. La cible principale de la recherche sur la SEP est donc la myéline. L’idée est de favoriser sa réparation via le processus de remyélinisation. On va chercher à stimuler les mécanismes de réparation naturels de l’organisme. Dans cette optique, les cellules souches pluripotentes, qui ont la capacité de se différencier en n’importe quelle cellule du système nerveux, présentent un fort intérêt. D’autre part, il y a toute une approche qui émerge sur la prise en charge des débris de myéline qui s’accumulent autour des neurones atteints. Il a été montré que leur élimination, notamment via des “cellules poubelles”, les macrophages, favoriserait le processus de remyélinisation. Une meilleure compréhension de cette étape et de son rôle dans la remyélinisation pourrait donc mener au développement de stratégies thérapeutiques innovantes.
D’autres étapes du processus de réparation de la myéline sont également visées et des molécules ayant un rôle dans le stress oxydatif ou l’inflammation sont actuellement en cours d’évaluation.
2. Quel est le niveau d’investissement de la recherche sur la SEP par rapport à celui d’autres maladies neurologiques ?
La sclérose en plaques est la maladie neurologique qui bénéficie des recherches les plus fructueuses. On commence à bien en connaître les mécanismes et on a la chance d’avoir des techniques d’imagerie nous permettant de visualiser les zones lésées. Par ailleurs, contrairement à la maladie d’Alzheimer, la SEP touche des individus relativement jeunes, qui ont donc des capacités de réparation et récupération beaucoup plus importantes que les patients âgés.
Par ailleurs, la prise en charge de la sclérose en plaques a été transformée au cours de ces 15 dernières années, avec l’arrivée de traitements efficaces. Cette recherche dynamique associée à des résultats encourageants contribue à attirer des fonds émanant de différentes structures. On observe un réel enthousiasme, qui se traduit d’ailleurs par l’arrivée de jeunes chercheurs et cliniciens spécialistes de la SEP.
3. Les patients peuvent-ils être impliqués dans les travaux de recherche ?
Quand on parle de recherche, on entend à la fois la recherche fondamentale et la recherche clinique. Ce que nous essayons de faire à la fondation ARSEP depuis de nombreuses années c’est de créer du lien entre ces deux champs de recherche. On travaille beaucoup avec l’Observatoire français de la sclérose en plaques (OFSEP) à l’origine du projet EDMUS, une base de données incluant plus de 55 000 patients, soit près de la moitié des patients atteints de SEP en France. Cette base nous permet entre autres de suivre l’évolution des patients sur le plan clinique et d’observer l’effet des traitements. Elle constitue un socle pour la recherche. Les neurologues proposent systématiquement à leurs patients de faire partie de cette base. Les patients doivent signer un consentement et en contrepartie ils sont informés de toutes les études qui sont réalisées à partir des données récoltées. Il y a une réelle dynamique de recherche dans laquelle les patients sont pleinement intégrés. Lors de la mise en place d’essais thérapeutiques, par exemple lorsqu’une nouvelle molécule est proposée, c’est le neurologue qui en informera son patient et lui proposera de participer à l’étude, si celui-ci remplit les critères d’inclusion.